Manifeste du Parti

Depuis la fin du régime colonial en Algérie, le Pouvoir qu'il soit représenté par Monsieur Ahmed BEN-BELLA ou qu'il soit représenté par le colonel Houari BOUMEDIENE, s'est constamment réclamé, dans sa politique "nationale", de la théorie de l'Algérie arabe.

Il prétend qu'il n'existe, en Algérie, qu'une seule communauté nationale qu'il qualifie d'arabe et qu'il déclare partie intégrante du monde arabe.

Bien entendu, la réalité nationale algérienne n'est pas conforme à cette absurde théorie de l'Algérie arabe. Et le Pouvoir en est conscient. Mais cette considération n'a provoqué en lui aucun trouble. Elle n'a fait que l'inciter à mettre à profit les circonstances d'après-guerre qui lui étaient favorables pour prendre de nombreuses dispositions visant à l'arabisation accélérée et complète du pays et à son aliénation.

C'est ainsi qu'il a décidé d'affaiblir gravement l'importance et le poids de la communauté berbère berbérophone dont il s'est toujours abstenu de reconnaître l'existence - dans tous les domaines de la vie économique et sociale, publique et militaire, culturelle et politique. Plus encore, il a entrepris de façon systématique sa destruction et son anéantissement en tant que communauté, et son assimilation par la communauté berbère arabophone dont l'aliénation avancée le rassure d'autant plus qu'elle lui paraît, contre toute évidence, définitivement acquise et perfectible jusqu'à devenir, à plus ou moins brève échéance, totale.

Il ne se contente pas de s'opposer violemment à la résistance légitime et au développement de la culture et de la langue berbère. Il va plus loin, il s'emploie activement à les étouffer et à les liquider. Il n'éprouve que peu d'intérêt pour la culture populaire orale qui s'exprime en langue arabe parlée et pour cette langue arabe parlée, langue de la communauté berbère arabophone. Et leur avenir ne le préoccupe guère. Quant à la culture algérienne qui s'exprime en langue française, il sous-estime, c'est le moins que l'on puisse dire, son caractère nationale et sa valeur, et il n'a pour elle que mépris.

Par contre, il proclame nationale et obligatoire la culture "arabe classique" de tout le monde arabe et musulman dont les gloires passées l'obnubilent et le captivent mais qui est, pour l'essentiel, étrangère à notre peuple, a vieilli et à fait son temps. Il proclame également nationale et obligatoire la langue arabe classique - qu'il a, de surcroît, tendance à sacraliser - alors qu'elle est langue arabe parlée, elle aussi étrangère à notre peuple et qu'elle n'a été, de tout temps, familière qu'à une infime minorité d'Algériens.

Le Pouvoir a, enfin, réduit hâtivement et de façon considérable, l'enseignement de la langue française et la pratique de cette langue jugée, par sa seule présence et par la pensée qu'elle véhicule, nuisible à l'intégrité et à l'indépendance de la personnalité prétendument arabe de l'Algérie. Il les a réduits au profit de l'enseignement et de la pratique, dans les pires conditions de la langue arabe classique non familière à la quasi-totalité de notre peuple et, actuellement, incapable, en raison de son retard plusieurs fois séculaire, notamment dans les domaines déterminants de la science et de la technique, de répondre aux besoins du développement général, rapide et continu du pays.

Comme on le voit, le Pouvoir, en Algérie, s'inspire dans sa politique "nationale", culturelle et linguistique, d'une idéologie, quant au fond, antinationale, exclusive et rétrograde et d'un esprit aristocratique et médiéval. Il s'inspire également d'un rêve absurde et dépassé consistant dans la reconstitution, de préférence sous la direction du Khalifat, bien entendu sur une base et sous une forme et une dénomination nouvelles. Il se trouve, ainsi, en contradiction flagrante avec les principes démocratiques et populaire, patriotique et progressiste, révolutionnaire et socialiste dont il se réclame bruyamment.

Cette politique d'oppression de la communauté berbère berbérophone, cette politique d'assimilation de cette communauté berbère berbérophone par la communauté berbère arabophone, cette politique d'arabisation accélérée et complète du pays, cette politique d'aliénation nationale a conduit, il fallait s'y attendre, à un fléchissement tragique du niveau d'enseignement, du niveau de formation et de culture de la génération d'après-guerre, ainsi qu'à l'exode de nombreuses élites. Elle a conduit, également, à l'apparition d'une fissure grave entre, d'une part la communauté berbère berbérophone et d'autre part, la communauté berbère arabophone.

La communauté berbère berbérophone qui prend dans sa masse - et plus simplement dans son élite intellectuelle et militante de plus en plus clairement et à un rythme inattendu conscience de ses particularités nationales propres, de la diversité nationale algérienne telle qu'elle existe réellement et de la véritable identité du pays, est saisie d'inquiétude et se prépare à la lutte. Il ne fait aucun doute qu'elle ne reculera devant aucun sacrifice pour défendre son droit à l'existence et au développement, ainsi, bien entendu, que le droit à l'existence de la communauté berbère berbérophone, avec ses caractéristiques réelles, dans le cadre nécessaire d'une Algérie authentiquement algérienne, fraternelle et unie. Quant à la communauté berbère arabophone, une minorité en son sein, composée de patriotes avancées et clairvoyants, a également pris conscience des réalités nationales algériennes dans leur ensemble et de la nécessité de toutes les reconnaître et de s'inspirer d'elles pleinement et fidèlement dans la définition et la pratique de la politique nationale, culturelle et linguistique, cela dans l'intérêt de la vérité, de la justice et de l'unité du pays. Soit dit en passant, il ne lui reste plus, maintenant, qu'à faire entendre sa voix avec détermination, et qu'il est souhaitable qu'elle le fasse rapidement. Mais l'immense majorité de cette communauté, toujours victime d'une aliénation plus ou moins prononcée, est dans le brouillard. A des degrés divers, elle demeure encore sensible à la politique néfaste du Pouvoir.

Il est certain que le maintien de cette politique conduite à l'élargissement et à l'approfondissement de cette grave fissure apparue entre les deux communautés nationales sœurs et à sa transformation, à plus ou moins brève échéance en un fossé de moins en moins franchissable. Finalement, il plongera immanquablement le pays dans une instabilité dramatique et permanente, et il entravera grandement son édification qu'à partir d'un certain moment il rendra, c'est évident, impossible.

Dans ces conditions, le moment n'est-il pas venu de tirer la sonnette d'alarme et d'appeler fermement et solennellement à l'abandon immédiat et sans réserve de cette politique criminelle ? Sans aucun doute, ce moment est venu.

Le pouvoir prétend que l'Algérie est arabe. Mais cela est absolument faux.

L'Afrique du Nord dont l'Algérie est partie intégrante est peuplée de berbères d'origines ethniques diverses présentant, cependant, des caractères communs marqués dès le début des temps historiques. Elle a connu, au cours des siècles, de nombreuses invasions et implantations étrangères dont l'invasion et l'implantation arabe. Mais toutes ces invasions et implantations étrangères échelonnées dans le temps et dispersées dans l'espace étaient quantitativement limitées. Elles ont constitué de faibles apports qui sont venus se fondre dans le fond de la population berbère, nord-africaine. Aucune d'elles, l'implantation arabe comprise, n'a pu modifier sensiblement la situation ethnique du pays. Il en résulte donc que du point de vue ethnique - à supposer que contrairement à la vérité, l'origine ethnique soit la caractéristique unique ou fondamentale de la nation et l'indice révélateur de l'identité nationale - l'Algérie, partie intégrante de l'Afrique du Nord, n'est pas arabe. Pas plus qu'elle n'est romaine ou vandale, byzantine ou turque.

Ces dernières années, le Pouvoir a donné l'impression de s'être rendu compte, devant l'importance et la qualité de la contestation, de la fragilité de "l'argumentation" ethnique. Aussi, sans l'abandonner tout à fait, certains de ses représentants semblent décidés à porter, cette fois, l'effort de leur démonstration sur le terrain de la culture. "l'Algérie est arabe, disent-ils parce que sa culture est arabe". Mais qu'en est-il réellement de ce dernier argument qui se veut décisif ?

La culture d'un peuple, on le sait, n'est pas quelque chose qui lui tombe du ciel ou qu'il hérite d'un autre peuple. La culture d'un peuple est le résultat du reflet des conditions de vie diverses de ce peuple. Et comme les conditions de vie diverses de ce peuple ont constamment des particularité qui leur sont propres et qui les distinguent des conditions de vie diverses des autres peuples, il en résulte que sa culture a constamment ses particularités qualitatives spécifiques qui la distinguent des cultures des autres peuples. Elle constitue sa propre contribution au patrimoine culturel mondial dont elle est partie intégrante.

Le peuple algérien a, au cours de son développement historique, toujours vécu dans des conditions comportant des particularités qui leur sont propres et qui font que ces conditions ne se retrouvent très exactement nulle part ailleurs dans le monde. Et sa culture, résultat du reflet de ces conditions de vie avec leurs particularités spécifiques, ne pouvait pas ne pas posséder - et elle a effectivement possédé - à tous les stades de son développement sa propre originalité et sa propre personnalité que seuls les myopes et les pervers ne parviennent pas à distinguer. Elle constitue son propre apport au trésor commun de la culture universelle qu'elle complète et enrichit.

Quant à la culture " arabe classique " dont le Pouvoir se réclamé avec orgueil et fierté, elle a reflété les conditions de vie diverses des divers peuples arabes et musulmans qui lui ont donné naissance. Elle est, pour l'essentiel, étrangère à la culture algérienne.

La culture algérienne a, certes, subi dans le passé diverses influences étrangères dont certaines étaient sérieuses. Mais toutes ces influences étrangères - la romaine, l'arabe et la française comprise - ne lui ont pas fait perdre ni ne pouvaient lui faire perdre son originalité et sa personnalité toujours vivantes. Elles n'ont pu que les affaiblir un temps - de même qu'elles ont affaibli sa vitalité - sans pouvoir empêcher leur affirmation et leur rayonnement ultérieure auxquels elles ont même contribué. C'est ainsi qu'au Moyen-Âge, après la conquête arabe, la civilisation nord-africaine, dont la civilisation algérienne était partie intégrante, a connu une réelle granduer et une forte originalité.

Ainsi, la culture algérienne n'est pas arabe, pas plus qu'elle n'est romaine ou française. La culture algérienne est tout simplement algérienne. Et le Pouvoir qui affirme que "l'Algérie est arabe parce que sa culture est arabe " se retrouve, sans le savoir, assis sur un banc de sable.

En vérité, l'Algérie n'est pas arabe. Elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais. L'Algérie est Algérienne.

Du fait du développement de son histoire, il existe, en Algérie, non pas une seule communauté nationale mais deux communautés nationales : la communauté berbère berbérophone et la communauté berbère arabophone. Ces deux communautés nationales sont distinctes ; mais elles sont également sœurs. Un puissant fond commun les unit et elles doivent vivre en parfaite harmonie au sein d'une famille unique, au sein de la famille algérienne, avec une identité unique, exclusive de tout autre, avec l'identité algérienne, la seule authentique, la seule vraie.

La tâche historique, la tâche d'honneur qui incombe aux générations nouvelles est, passant à une étape nouvelle de la lutte contre l'aliénation et l'oppression, de reprendre, de poursuivre et de mener jusqu'au bout l'œuvre sacrée de libération nationale laissée inachevée par les générations précédentes. Elle est de travailler activement, en s'appuyant sur le passé historique non tronqué et non édulcoré de l'Algérie et de l'Afrique du Nord, et sur le les réalités nationales présentes, à révéler pleinement les deux communautés nationales algériennes à elles mêmes et l'une à l'autre, avec leur immense fond commun comme avec les particularités propres à chacune d'elles, tels qu'ils existent tous vraiment, à leur faire prendre conscience de leur véritable et commune identité, et de la nécessité de réaliser l'unité du pays dans le respect de la diversité nationale. Elle est de combattre et de bannir et à jamais toute politique d'oppression et d'assimilation de la communauté berbère berbérophone par la communauté berbère arabophone et, inversement, de la communauté berbère arabophone par la communauté berbère berbérophone. Elle est de réaliser entre elles, effectivement, et dans tous les domaines, un équilibre harmonieux et durable, l'égalité en droit et la collaboration fraternelle. Elle est d'assurer le développement et l'épanouissement culturel et linguistique de chacune d'elles dans l'intérêt du développement général du pays. Elle est d'instituer le bilinguisme qui placera les deux langues nationales, la langue berbère et la langue arabe locale sur un plan d'égalité stricte qui garantira l'enseignement obligatoire de chacune de ces deux langues nationales aux deux communautés nationales, de l'école maternelle à l'Université, sur tout le territoire algérien, et leur utilisation parallèle dans les diverses administrations, qui permettra le développement de la presse, du cinéma, du théâtre et des autres institutions culturelles dans chacune des deux langues, qui réservera à chacune des deux communautés nationales une chaîne radio et une chaîne télé…

Il s'agit là d'une entreprise légitime et grandiose qui va dans le sens de l'histoire. Son succès est inévitable.

La culture algérienne est fondamentalement populaire et orale, vivante et riche, elle s'exprime essentiellement en langue berbère et en langue arabe parlée. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, est apparue, à côté de cette culture populaire orale dont elle s'est parfois plus ou moins nourrie, la culture algérienne d'expression algérienne d'expression française, au caractère national pas toujours parfait mais certain, et en partie de valeur. De même, qu'après la conquête romaine et après la conquête arabe, étaient apparues, à côté de la culture populaire et orale de ces périodes, des cultures locales, en partie de valeur, qui s'exprimaient en langue latine et en langue arabe classique, la culture de langue arabe classique subsistant toujours mais fortement amoindrie et inadaptée aux conditions de la vie moderne sur lesquelles elle retarde considérablement sous tous ses aspects ou presque. Sans contexte, la culture algérienne de langue française constitue - tout comme ces deux dernières ont constitué dans le passé - une contribution appréciable au patrimoine culturel du pays.

Cela étant, il convient de recueillir, de reconstituer et d'inventorier, dans la mesure du possible, l'ensemble du patrimoine culturel du pays, dans ce qu'il a de valable, d'organiser la coexistence, la collaboration fraternelle et l'échange des cultures nationales de langues berbère, arabe locale et française - la diversité et la compréhension mutuelle étant sans conteste source de richesse et de progrès et condition de l'unité -, de maintenir ces cultures nationales constamment ouvertes à toutes les valeurs naturellement fécondantes de la culture mondiale, de travailler vraiment à les faire progresser et à les porter vers les sommets, de leur donner une vocation universelle.

Mais le développement et l'épanouissement de la culture algérienne de langue berbère et de langue arabe local, ainsi du reste que l'essor économique et politique du pays, sont entravés par le fait que la langue berbère la langue arabe parlée ne sont pas suffisamment outillées, fait qu'expliquent le défaut de leur enseignement, les vicissitudes de notre histoire et, dans les temps présents, la politique antinationale et d'oppression du Pouvoir dans les domaines culturel et linguistique. La tâche, ici, est de prendre sans plus attendre toutes les mesures qui s'imposent en vue d'assurer en contact étroit avec le peuple, la défense et la promotion rapide de ses deux langues, et de faire ainsi d'elles des instruments complets de développement.

Par ailleurs, aussi longtemps que ces deux langues nationales ne seront pas en mesure de répondre pleinement, à elles seules, aux besoins du développement général, rapide et continu du pays, la présence à leurs côtés, suivant des modalités à définir et à redéfinir chaque fois que la nécessité s'en impose, d'une langue étrangère parfaitement apte à satisfaire à ces besoins est indispensable. Cette langue sera la langue française qui présente, en outre, l'avantage d'être familière à notre peuple. Quant à la langue arabe classique qui est, on le sait, la langue du Coran, il convient de la réserver à l'enseignement de la religion par les desservants du culte qui atteindront, cependant mieux et plus aisément leur but en dispensant cet enseignement en langue berbère et en langue arabe locale.

Mais cette présence de la langue française aux côtés de la langue berbère et de la langue arabe locale, et le contact avec la culture universelle ne sont-ils pas nuisible à l'intégrité et à l'indépendance de la personnalité algérienne ainsi qu'à son développement et à son épanouissement ? Cette question mérite d'être posée et il importe d'y répondre honnêtement.

Examinons, tout d'abord, l'aspect de la question relatif au contact de l'Algérie avec la culture universelle.

Il ne fait aucun doute que dans la culture universelle - qu'il s'agisse de la partie ancienne ou qu'il s'agisse de la partie contemporaine, qu'elle vienne de l'Occident ou qu'elle vienne de l'Orient - il n'y a pas que du bon. Il y a aussi, du point de vue qui nous occupe, du mauvais à des degrés divers. D'où la nécessité d'observer vis-à-vis d'elle non pas une attitude révérencielle et béate, insouciante et passive, mais une attitude vigilante qui maintienne l'esprit critique en éveil permanent.

Il importe donc de neutraliser par la critique tout ce qui dans la pensée et la culture universelle peut appauvrir et affaiblir, mutiler et aliéner la personnalité algérienne, et tout ce qui, en elles, peut entraver et retarder son développement et son épanouissement. Dans les conditions de l'Algérie indépendante, engagée dans la voie de la démocratie et du progrès, cette lutte ne manquera pas de se révéler efficace, surtout si elle est menée jusqu'au bout et avec un esprit conséquent. Il importe, par contre, de recueillir et d'assimiler, bien entendu avec un esprit critique, tout ce qu'il y a de bon et de précieux dans cette pensée et dans cette culture humaine. Cette substance intellectuelle étrangère, bonne et précieuse, féconde l'esprit lorsqu'elle est bien assimilée. Elle constitue une sorte de levain de grandes idées et de grandes passions; elle ne dispense pas les élites de l'immense et nécessaire effort créateur, mais elle les aide à concevoir et à exécuter des œuvres de qualité, dignes de notre temps. Elle aide le peuple a voir sans cesse plus clair, sans cesse plus large et sans cesse plus loin, à mesurer le chemin parcouru par l'humanité dans son développement, à découvrir et à connaître les forces qui déterminent ce développement pour les maîtriser à son tour et marcher d'un pas rapide et assuré dans la voie du progrès. Elle peut donc contribuer, dans une mesure appréciable, à enrichir et à affermir la personnalité algérienne, ainsi qu'à rendre plus aisé et à accélérer son développement et son épanouissement.

Ainsi, la personnalité algérienne ne peut que sortir grandie et fortifiée de son contact avec la culture universelle, tant en tirant profit de ce que cette culture universelle a de bon et de précieux, qu'en se défendant contre ce qui, en elle, lui est nuisible.

Quant à l'enseignement en langue française, son utilité fondamentale est de porter, sans retard, à la connaissance de ceux qui la reçoivent, toutes les acquisitions de l'humanité dans les divers domaines de la science et de la technique, dans la littérature et dans les arts. Elle est de vite leur permettre de contribuer à la progression de ces acquisitions, de bien administrer et de bien gérer le pays, et de travailler efficacement à son développement général, rapide et continu. Bien entendu là où la langue berbère et la langue arabe locale ne sont pas encore en mesure d'assumer également cette tâche, et en attendant qu'elle puissent l'assumer. L'erreur à éviter, à éviter absolument, est que l'enseignement en langue française et la pratique de cette langue n'entraînent un ralentissement toujours possible dans l'œuvre sacrée d'enrichissement et de développement de ces deux langues nationales qu'ils devraient, au contraire, stimuler. Dans ces conditions, la présence de la langue française aux côtés de la langue berbère et de la langue locale, l'enseignement en cette langue et la pratique de cette langue sont-ils vraiment nuisibles à la personnalité algérienne et à son rayonnement ? Bien au contraire en définitive, ils lui sont bénéfiques.

Ainsi, et pour résumer, à la politique d'Algérie arabe et de division nationale du Pouvoir, il y a lieu de substituer fermement la politique d'Algérie Algérienne et d'unité du pays dans le respect de la diversité nationale. A sa politique d'oppression de la communauté berbère berbérophone et d'assimilation de cette communauté berbère berbérophone par la communauté berbère arabophone, il y a lieu de substituer fermement la politique d'égalité en droits et la collaboration fraternelle entre ces deux communautés. A sa politique d'arabisation accélérée et complète du pays, il y a lieu de substituer fermement la politique d'algérianisation qui tient cependant compte du nécessaire maintien de la langue française aux côtés des langues nationales dans les domaines de l'enseignement, de l'administration et de la gestion, notamment là où ces langues nationales ne sont pas encore en mesure d'assurer la relève qu'il importe de préparer activement et sans défaillance, et en attendant qu'elles puissent l'assurer. A sa politique d'aliénation nationale, culturelle et linguistique, aggravée d'esprit exclusif et rétrograde, il y a lieu de substituer fermement une politique nationale, culturelle et linguistique authentiquement algérienne, ouverte au progrès et aux valeurs de la pensée universelle.

Telles sont, brièvement exposées, les assises de l'Algérie Algérienne.

Cette Algérie Algérienne est partie intégrante de l'Afrique du Nord nord africaine.

Elle fait également partie de l'Afrique dont elle est solidaire.

Bien entendu, l'Algérie Algérienne ne sera jamais animée par un quelconque sentiment d'hostilité à l'encontre des pays arabes. Elle entend, certes, affirmer pleinement sa personnalité authentique et diverse et lui assurer un essor indépendant. Mais, en même temps, elle mettra à profit les nombreux et puissants liens qui l'unissent à eux pour établir avec eux de bons rapports empreints d'amitié et de confiance. Elle les assure de sa solidarité totale et active dans tout ce qu'ils entreprendront de conforme à la vérité et à la justice. En retour, elle attend d'eux un soutien total et actif à sa grande et légitime entreprise. Il ne fait aucun doute que ce soutien procurera à eux mêmes d'importants avantages politiques et moraux non seulement au sein de leurs peuples mais aussi dans les pays musulmans et dans les pays africains qui deviennent de plus en plus vigilants, ainsi que dans le monde entier. Ils en auront grandement besoin en cette période historique difficile d'affirmation de leurs propres personnalités et de consolidation de leur indépendance.

Le Pouvoir en Algérie, prétend, bien entendu en privé, qu'actuellement, il existe "un vide" au Moyen-Orient. D'où sa politique absurde d'hégémonie visant à remplir ce prétendu vide sous les dehors d'une solidarité arabe, fraternelle et active. Cette politique, contraire aux intérêts véritables du pays, n'est évidemment pas celle de l'Algérie Algérienne qui ne reconnaît pas l'existence "d'un vide" au Moyen-Orient et entend respecter scrupuleusement les droits nationaux de tous les peuples de cette région du monde auxquels elle souhaite sincèrement un développement indépendant, pacifique et prospère. L'Algérie Algérienne n'interviendra dans les affaires intérieures d'aucun pays. En retour, elle ne supportera aucune ingérence dans ses propres affaires.

PEUPLE ALGERIEN

L'Afrique du Nord dont l'Algérie est partie intégrante a subi, tout au long de son histoire, de nombreuses invasions et dominations étrangères. Elle a subi l'invasion et la domination phéniciennes, l'invasion et la domination romaines, l'invasion et la domination vandales, l'invasion et la domination byzantines, l'invasion et la domination arabes, l'invasion et la domination turques, l'invasion et la domination françaises … Toutes ces l'invasions et dominations étrangères ont fait obstacle à son affirmation et à son développement indépendants et continus dans tous les domaines de sa vie, y compris dans le domaine de l'organisation étatique et dans le domaine strictement national, culturel et linguistique.

Mais l'Afrique du Nord n'est pas restée les bras croisées devant elles. Elle leur a opposé une résistance acharnée et constante, parfois sous la conduite d'hommes valeureux d'extraction populaire, parfois sous la direction de chefs prestigieux et vaillants qui comptent parmi eux MASSINISSA et JUGURTHA, KOCEILA et LA KAHINA ABD-EL KADER et MOKRANI.

On a dit que l'histoire de l'Afrique du Nord a été dans une large mesure l'histoire des dominations qu'elle a subies. Mais cette appréciation d'inspiration colonialiste est pour le moins insuffisante. Elle ne traduit que la moitié de la vérité, laissant dans l'ombre l'autre moitié, celle relative à la résistance acharnée et constante de l'Afrique du Nord à ces dominations. Il convient donc de dire, pour être plus exact, que l'histoire de l'Afrique du Nord a été dans une large mesure l'histoire des dominations qu'elle a subies et de la résistance acharnée qu'elle a constamment opposée à ces dominations.

Cette résistance acharnée et continue a finalement conduit, ces dernières décennies, à des victoires éclatantes remportées sur les dernières dominations européennes. Mais, il faut le dire franchement, elle n'a encore abouti nulle part en Afrique du Nord à la fin de l'oppression et de l'aliénation nationales toujours vivantes et triomphantes. Partout, en Afrique du Nord, les hommes au Pouvoir manifestent, sans gêne, de l'hostilité, de l'indifférence et du mépris à l'encontre des cultures et des langues vraiment nationales pour se réclamer, avec orgueil, d'une culture et d'une langue étrangères dépassées par le développement de la vie, qu'ils déclarent officielles et obligatoires. Partout, en Afrique du Nord, les hommes au Pouvoir ont renié, sans honte, leurs propres origines et leur propre identité nationale pour se réclamer officiellement et fièrement d'une origine et d'une identité étrangères. Partout, en Afrique du Nord, les hommes au Pouvoir se réclament tapageusement des principes d'appartenance, de l'intégration et de la dissolution des nations nord-africaines dans un "monde" dont ils s'entêtent à nier la diversité nationale et qu'il leur est, dans le domaine national, étranger… Il s'agit là, il faut le souligner, de faits et d'intentions d'une exceptionnelle gravité.

Il est grand temps que tout cela cesse. Il est grand temps de respecter la vie dans sa réalité. Il est grand temps d'entrer dans l'ordre naturel des choses. Il est grand temps, sur le plan nord-africain, d'œuvrer patiemment mais fermement, chaque peuple dans son pays mais dans une étroite solidarité, à l'édification d'une Afrique du Nord authentiquement Nord-Africaine, fraternelle et unie dans le respect de toutes les particularités nationales et dans l'égalité des droits des nations, grandes et petites, qui la composent, enlevant ainsi toute raison d'être à des conflits fratricides et absurdes. C'est pour tous les peuples nord-africains une question de justice, une question d'honneur, une question de dignité. C'est en même temps une nécessité de l'histoire.

Sur le plan strictement algérien, un programme d'action clair et précis vient d'être élaboré. Ainsi qu'on l'a vu, il se résume dans la formule d'Algérie Algérienne. Il ne fait aucun doute que sa simple publication constituera un événement historique. Elle créera une situation nouvelle en Algérie et dans l'Afrique du Nord toute entière.

Mais les forces qui sont hostiles à ce programme d'action sont nombreuses et puissantes. La lutte pour sa réalisation sera donc, en toute vraisemblance, longue et dure. Elle exige de la fermeté et du courage mais aussi de l'intelligence et de la patience. Elle exige, également, le rassemblement dans un Front Uni solide et durable des forces nationales et sociales fondamentales favorables à l'Algérie Algérienne, la division de ces forces ne pouvant que lui nuire de façon considérable. Mais ce rassemblement n'est par ailleurs possible que dans la perspective et dans le cadre d'un régime acceptable pour toutes ces forces. Ce régime sera le régime démocratique, pluraliste et progressiste, qui exclut à la fois le conservatisme et l'aventurisme. Il correspond vraiment à la situation.

Ainsi, à la lutte pour une Algérie Algérienne sera associée la lutte pour une Algérie démocratique, pluraliste et progressiste. Quand au Front Uni dans la mission historique est d'organiser et de conduire cette double lutte jusqu'à son triomphe total; il sera le Front Uni de l'Algérie Algérienne qui a été fondé précisément à cette fin. Le Front Uni de l'Algérie Algérienne a choisi d'accomplir cette mission pas la voie démocratique et pacifique.

Le Front Uni de l'Algérie Algérienne lance un appel à tous les algériens et à toutes les algériennes, berbérophones et arabophones, qui reconnaissent sincèrement ses objectifs et sont disposés à apporter leur contribution à leur triomphe par les voies démocratique et pacifiques. Il leur demande de venir rejoindre et grossir ses rangs dans lesquels chacun d'entre eux trouvera sa juste place.

Peuple algérien. L'issue victorieuse de notre lutte est certaine. La lumière a toujours dissipé les ténèbres et la vérité finit toujours par l'emporter sur le mensonge. Le programme d'action du Front Uni de l'Algérie Algérienne est conforme à la vérité et à la justice. Plus on ira et plus le peuple algérien en prendra conscience. Plus il prendra conscience et plus il sera pénétré de sympathie pour ce programme d'action et plus il se mobilisera et s'organisera pour assurer sa défense et son triomphe. Le Front Uni de l'Algérie Algérienne lance un appel au peuple algérien dans son ensemble, à sa partie berbérophone comme à sa partie arabophone. Il lui demande de s'informer à fond des réalités nationales du pays, de se mobiliser et de s'organiser pour lutter, dans l'union, pour la défense et le triomphe de son programme d'action qui traduit très exactement l'ensemble de ces réalités nationales.

Le peuple algérienne sera pas seul à être pénétré de sympathie pour ce programme d'action conforme à la vérité et à la justice du Front Uni de l'Algérie Algérienne. Les honnêtes gens du monde entier seront, également, pénétrés de sympathie pour lui lorsqu'ils en prendront connaissance et lorsqu'ils sauront que, contrairement au programme d'action du Pouvoir, il apporte la solution adéquate au problème national en Algérie : il ne fait aucun doute qu'il bénéficiera, en conséquence, de son appui actif et efficace. Le Front Uni de l'Algérie Algérienne lance un appel à la communauté Internationale, aux peuples du monde entier. Il leur demande de soutenir et d'aider activement la lutte entreprise pour faire passer dans la vie son programme d'action. Il s'agit d'une lutte libératrice et juste.

A bas l'oppression et l'aliénation nationales

 

Vive l'Algérie Algérienne

 

Vive l'Afrique du Nord nord africaine

 

Vive le régime démocratique, pluraliste et progressiste

 

Vive le Front Uni de l'Algérie Algérienne

 

Peuple algérien, en avant. Notre cause est juste. Nous vaincrons.

 

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